Jonas, la repentance des ninivites
Jonas, fils d’Amittaï (3)
* Jon 3.1-10 *
Introduction & Lecture biblique
Nous arrivons au 3ème chap. de notre histoire de Jonas, que nous avons commencé à étudier il y a 15 jours.
Ce texte fait rêver, vous ne trouvez pas ? Quel évangéliste, quel pasteur, quel chrétien tout simplement ne souhaiterait pas voir une ville entière se repentir après seulement une journée de prédication ?!?
=> Les événements rapportés dans le texte que nous venons de lire suscitent ( et c’est légitime ! ) admiration, envie… Et aussi, quelque part, avouons-le, désir de vivre pareille expérience !
Il serait cependant bien maladroit de vouloir reproduire ces événements, sans * être au clair sur leur nature réelle et sans ** tenir compte des circonstances qui y ont conduit. C’est là me semble-t-il un des intérêts principaux de notre passage, que d’attirer notre attention sur ces éléments.
=> Ce 3ème chap. du livre de Jonas, en effet, nous montre que la repentance des ninivites n’est pas 1ère, qu’elle est le résultat de quelque chose, l’aboutissement d’un processus, et qu’elle a entre autres pour but d’interpeller celui-là même qui en a été l’instrument, à savoir bien sûr le prophète Jonas… Parce que la repentance des ninivites n’est pas seulement une affaire entre les ninivites et Dieu, elle est aussi quelque part une « leçon » pour notre cher Jonas !
J’aimerais, si vous le voulez bien, reprendre un certain nombre d’éléments de ce chap.
- Nous réfléchirons, dans un 1er temps, à la nature de l’événement qui a amené la repentance des ninivites ;
- nous considèrerons dans un 2nd temps les personnes à l’origine de cet événement ;
- et nous conclurons en tentant de dégager quelques applications pratiques de ces enseignements.
I. La nature de l’événement
Réfléchissons d’abord à ce que j’appellerais la nature de l’événement… Que s’est-il exactement passé dans cette grande ville de Ninive ? Imaginons-nous la scène :
Nous avons un homme seul, face à une grande ville dont il faut 3 jours pour la parcourir tant elle est grande ( à l’époque, ce n’est pas courant ). L’homme est un prophète hébreu, et la ville – il est important de ne pas l’oublier – n’est pas n’importe quelle ville puisqu’il s’agit de la capitale de l’Assyrie, la puissance dominante de l’époque et ennemie de la nation d’Israël. En plus, si on se rappelle le début de l’histoire, on peut au minimum se demander si le prophète en question est véritablement là par plaisir et pas plutôt par contrainte, ne voulant pas forcément renouveler l’expérience de la tempête et du poisson ( parce que même quand on aime le vent et le poisson, il y a quand même certaines limites ! ).
Quoi qu’il en soit, le prophète est chargé d’un message pour la ville. Mais il a bien peu de moyens : juste sa voix, et ses pieds. Pas de système informatique à pirater, pas de possibilité d’envoyer une newsletter en un clic de souris, même pas de possibilité de mailing ou phoning : non, juste une voix, des pieds, et un message plutôt lapidaire : « Encore 40 jours, et Ninive sera détruite ».
=> On se dit alors que les choses semblent bien mal engagées, et que même si les habitants de Ninive – irrités comme ils risquent de l’être avec un tel message – laissent le pauvre Jonas en vie, cela risque au minimum de lui prendre un sacré bout de temps jusqu’à ce qu’il ait pu convaincre tout le monde… A supposer même que les ninivites, qui sont tout sauf des enfants de chœur, se laissent convaincre !
Et c’est alors que, contre toute attente, intervient l’inexpliqué et l’incroyable : après seulement un jour de marche et de proclamation dans la ville, cette dernière se repent. Non seulement Jonas n’est pas liquidé, mais en plus son message est pris au sérieux. Il est considéré comme venant de Dieu ( dans la compréhension que pouvaient en avoir les ninivites ).
Ø C’est le début d’une grande repentance, qui touche tous les habitants, du plus grand au plus petit. Le message se propage, on a l’impression presque tout seul, et ce jusqu’au roi qui lui aussi, avec tous ses grands, se repent. Une repentance qui ne semble pas être superficielle, comme en témoignent les signes qui l’accompagnent et surtout, l’agrément final de Dieu.
-> On ne peut que crier au miracle ! Miracle de la grâce de Dieu touchant les cœurs, alors que cela semblait à vues humaines totalement impossible. On ne peut pas, je crois, nier la dimension miraculeuse de ce qui s’est passé à Ninive. Et face à cette réalité, une question nous vient assez naturellement à l’esprit – à nous qui aimerions tant voir se reproduire dans nos contextes des miracles du même style et de la même ampleur ( on se contenterait même de moins ! ) – :
Comment un tel événement, un tel miracle a-t-il été possible ?
Il est nécessaire, pour répondre à cette question, de considérer les personnes qui ont été les acteurs de l’événement…
II. Les acteurs de l’événement
Ils sont au nombre de 3 :
- - Dieu lui-même, bien sûr ;
- - Jonas ;
- - et les ninivites, qu’il ne faudrait pas oublier dans l’histoire.
(1) L’Eternel Dieu
Je commence par le « 1er rôle » : Dieu. Dieu que tout le livre de Jonas nous présente comme un Dieu tout-puissant, maître de la création et auquel toutes choses sont soumises. C’est là une dimension que l’on a peut-être parfois un peu occultée dans notre lecture du récit. Comme a pu l’écrire un commentateur : « Les hommes ont tellement regardé au grand poisson, qu’ils en ont oublié de voir le grand Dieu ! »…[1]
Le livre de Jonas rend un témoignage tout particulier à la grandeur de Dieu, à sa souveraineté :
- c’est lui qui a fait souffler le vent de la tempête et calmé la mer déchaînée, lui qui a envoyé le poisson ; ( chap. 1 )
- c’est lui qui fera pousser le ricin, intervenir le ver, qui donnera l’ordre au vent d’Est de souffler, etc. ( chap. 4 )
Et c’est la Parole de ce Dieu là qui est adressée une 2nde fois à Jonas pour le placer devant le défi que l’on sait…
La souveraineté, cependant, n’est pas le tout de Dieu. Le livre de Jonas, en effet, nous présente aussi d’une manière touchante un Dieu au cœur rempli d’amour :
- un Dieu qui veut sauver, qui veut sauver tous les peuples, – justement ce que Jonas avait tellement de mal à accepter ( et l’amour de Dieu apparaît d’autant plus grand que se manifeste le manque d’amour de Jonas ) – ;
- un Dieu dont la volonté d’amour ne se laisse pas freiner par la désobéissance de son prophète récalcitrant ;
- un Dieu enfin qui veut le meilleur pour ses créatures, un Dieu qui pardonne et qui n’hésite pas à revenir sur sa décision lorsqu’il voit la repentance des hommes…
Le Dieu souverain, tout-puissant, est donc aussi un Dieu d’amour, qui veut sauver. Si le miracle de la repentance des ninivites a été possible, c’est d’abord et en 1er lieu parce qu’elle a pour origine la Parole et l’action d’un Dieu qui a mis sa toute-puissance au service de son amour et de sa volonté de sauver tous les hommes – n’en déplaise à ceux qui comme Jonas croyaient être les seuls à être au bénéfice de sa grâce !
(2) Jonas
Le 2ème acteur, c’est Jonas. Jonas qui apparaît cette fois dans le rôle de l’homme soumis et obéissant. Lorsque Dieu lui ordonne de se lever, d’aller et de proclamer, bien sagement, il se lève, il va et il proclame. Jonas semble avoir compris, semble avoir accepté de se soumettre à l’Eternel. Et c’est ainsi qu’il peut jouer un rôle important dans la réalisation par Dieu du miracle.
Cela dit, on peut quand même se demander si la soumission de Jonas, toute aussi présente qu’elle soit – je ne la nie pas a priori –, est si exemplaire que ça… En témoignent :
- sa réaction au chap. 4, lorsque Dieu décide de ne pas détruire les ninivites : en termes de soumission et d’acceptation de la volonté de Dieu, on a déjà fait mieux !
- la mention du fait que Jonas « commença par faire dans la ville une journée de marche » ( 3.4 )… On peut comprendre la chose de manière entièrement neutre : sachant qu’il faut 3 jours pour parcourir Ninive ( 3.3 ), Jonas a commencé par faire dans la ville une journée de marche : il fallait bien commencer par le début. Mais on peut aussi comprendre que Jonas a commencé parce qu’il n’avait pas trop le choix, un peu sous la contrainte et pas forcément dans un très bon esprit… Jonas a certes obéi au Seigneur, mais il a en quelque sorte « expédié » son message, en espérant bien que les ninivites n’y prêteraient pas attention. D’où sa colère lorsqu’ils se sont repentis et que Dieu ne les a pas détruits ! N’est-ce pas parfois un peu comme ça que nous obéissons au Seigneur, lorsqu’il nous demande de faire des choses que nous n’avons pas envie de faire ?
Bref, on peut se poser quelques questions sur le zèle de Jonas, et sur la pureté de son cœur… Ce n’est pas je pense lui faire offense que de relever cela, parce que nous sommes tous quelque part un peu comme ça ! Et cela ne rend que plus grande encore la grâce dont Dieu fait preuve à notre égard en nous utilisant, comme il a utilisé Jonas, malgré nos cœurs parfois bien troubles et partagés…
(3) Les ninivites
J’en arrive aux ninivites… Admirable exemple de repentance ? A peine Jonas a-t-il débuté son marathon que ces ninivites commencent à croire en Dieu, ils se repentent et « sauvent leur peau ». Comme je le disais tout à l’heure, il n’y a pas de raison de douter de la sincérité de leur repentance. Les signes qui l’ont accompagnée et surtout l’agrément final de Dieu en témoignent.
Et il est important je crois que nous nous laissions interpeller par cet exemple, qui nous interroge quant à nos propres mouvements de repentance et de retour à Dieu… Sommes-nous toujours aussi conséquents, aussi profonds, prêts à revenir de nos mauvais chemins quand le Seigneur nous les montre et disposés à « corriger le tir » comme l’ont fait les ninivites ? Ne sommes-nous pas souvent plutôt superficiels voire négligents dans ce domaine ? Puisse alors l’exemple des ninivites nous inspirer !
Cela dit, en même temps, les recherches archéologiques qui ont pu être faites laissent entendre qu’il y a eu dans cette ville de Ninive, probablement quelques temps avant que Jonas n’y arrive, des circonstances toutes particulières – guerre, peste, éclipse totale de soleil – qui semblent avoir créé dans la population un climat d’angoisse rendant cette population particulièrement attentive et disposée à recevoir et écouter un messager divin. Cela ne diminue en rien la dimension miraculeuse de ce qui s’est passé, mais cela permet d’en avoir une idée peut-être un peu plus précise… L’histoire a montré, et montre toujours aujourd’hui, que c’est souvent dans la détresse, l’angoisse et les épreuves que les êtres humains que nous sommes sont le plus disposés à se tourner vers le Seigneur.
Là encore, pour moi, cela ne fait que rendre plus grande encore la grâce de Dieu, qui accepte nos repentances et nos mouvements de retour à lui même s’ils sont parfois motivés par ce qu’il convient bien d’appeler un mélange entre notre volonté de servir le Seigneur et le désir d’échapper à quelque chose qui risquerait sinon de nous tomber dessus ( ce qui n’est pas, a priori, une motivation très désintéressée ). Mais la grâce de Dieu est plus grande que les mélanges de nos cœurs ! C’est aussi cela, le miracle opéré par Dieu !
III. Applications pratiques & Conclusion
C’est là d’ailleurs pour moi un des grands enseignements de cette histoire :
- La grâce de Dieu est plus grande que les mélanges de nos cœurs !
=> Bien sûr, c’est toujours un peu dangereux de parler ainsi… Parce qu’il ne s’agit pas d’accepter la médiocrité ou le manque d’engagement, ou encore de nous réfugier derrière notre manque de pureté pour ne pas jouer le rôle que nous avons, nous chrétiens, à jouer. Pas plus qu’il ne s’agit de nous reposer sur Dieu en attendant qu’il opère des miracles de repentance chez les autres ; ce serait trop facile ! Dieu veut nous utiliser, comme il a utilisé Jonas, et il convient je crois que nous nous examinions toujours à nouveau devant lui pour savoir si nous sommes fidèles à son appel d’être des témoins de l’Evangile ( que ce soit dans nos actes ou nos paroles ).
=> Mais en même temps, par rapport à ça, ça me fait du bien de voir que Dieu a utilisé Jonas, malgré tout le côté imparfait de sa personne. Plus précisément, comme nous le verrons la prochaine fois, Dieu s’est servi de lui tout en cherchant à le faire progresser dans sa compréhension de son plan et de sa manière d’agir. Quand le Seigneur nous utilise, il nous forme aussi. Mais retenons pour le moment simplement ceci : nos faiblesses et nos manquements n’empêchent pas le Seigneur de se servir de nous. C’est là je crois une grâce extraordinaire qu’il nous fait et que nous ne mesurons sans doute pas toujours.
Un autre enseignement que je retiens de cette histoire est le suivant :
- La repentance d’un cœur est avant tout un miracle, une œuvre divine qui trouve son origine dans la volonté d’amour du Dieu tout-puissant.
=> Cela vaut pour nous, autant que pour les autres. Je crois qu’il est fondamental de ne pas oublier cela, en particulier par rapport à notre désir ( tout à fait louable et à entretenir ) d’être des témoins efficaces de l’Evangile et d’amener les gens qui vivent autour de nous à la repentance. Oublier que la repentance d’un cœur est avant tout un miracle qui s’origine dans la volonté d’amour du Dieu tout-puissant peut * nous faire tomber dans le piège du forcing ( on veut par tous les moyens provoquer une réaction chez l’autre, et on finit par commettre des maladresses ), mais peut tout autant – et ce n’est pas mieux, loin de là ! – ** nous faire tomber dans le défaitisme qui consiste à abandonner la partie en pensant que « ça ne sert à rien parce que ça ne marchera jamais ». Si nous croyons véritablement que l’œuvre de repentance trouve son origine dans la volonté d’amour du Dieu tout-puissant, nous n’avons tout simplement pas le droit de considérer un cœur trop dur, trop éloigné, ou pas assez digne au point que nous pourrions nous estimer déchargés de notre responsabilité par rapport à lui. Mais peut-être nous faut-il aussi apprendre à accepter qu’il y a dans certaines situations un temps de Dieu, qui peut parfois dépendre de certaines circonstances de vie que doivent rencontrer les personnes que nous aimerions voir se convertir – c’est ce qui semble avoir été le cas avec la conversion des ninivites.
=> Dans ce dernier cas, mais aussi dans tous les autres, il ne reste parfois que la prière, la prière confiante dans l’amour du Dieu tout-puissant, dans sa volonté de salut pour tous les peuples qui rend tous les repentirs possibles, même celui des ninivites.
oOo
Alors,
- - Que le Seigneur nous aide à être actifs et dynamiques quand il le faut,
- - Qu’il nous aide à savoir attendre son temps quand il semble qu’il n’y a rien d’autre à faire,
- - Pour que nous soyons, malgré toutes nos errances et nos manquements, les témoins fidèles – ou disons, les plus fidèles possible ! – du Dieu d’amour et tout-puissant qui veut que « tous les hommes soient sauvés » ( 1 Tm 2.4 ).
Amen
Denis Kennel