L’Eternel est mon berger (1)
Ps 23.1
Série de messages, d’après le livre de Philippe Keller, Un berger médite le Psaume 23
Introduction & Lecture biblique
Vous vous rappelez peut-être qu’il y a 3 semaines ( message du 27.08 ), lorsque j’avais parlé de l’importance pour nous, en tant que chrétiens, de méditer la Parole de Dieu, j’avais entre autres mentionné l’intérêt de répéter un texte, de le lire et le méditer plusieurs fois, pour qu’il nous donne en quelque sorte « tout son suc »…
à C’est une expérience de ce type que je vous propose de commencer ce matin, en prenant aujourd’hui un passage de la Parole que je prévois reprendre par la suite, lors de prochains messages… J’ai choisi pour cela un texte bien connu de la Parole, – que certains d’entre vous connaissent d’ailleurs peut-être même par cœur –, en espérant que cela nous permettra, aux uns et aux autres, de mieux le garder à l’esprit tout au long de la semaine. C’est une expérience peut-être un peu inhabituelle, mais qui je crois peut être pour chacun de nous en réelle bénédiction si nous nous disposons à entrer dedans.
Le passage donc que je vous propose est le Ps 23. Texte bien connu, comme je le disais, tellement connu qu’on a parfois tendance à ne plus trop le lire… Ce qui est bien dommage parce que ce Ps nous parle, dans des termes à la fois très simples et très profonds, intimes même, de notre relation avec le Seigneur.
& Ps 23.1-6
« L’Eternel est mon berger : je ne manquerai de rien » ( v. 1 ). C’est sur cette seule pensée que nous nous concentrerons ce matin.
NB. N’étant pas moi-même berger (!), je précise que je m’inspirerai en partie, pour cette série de prédications, d’un livre écrit sur ce Ps par un vrai berger : Philippe Keller, in Un berger médite le Psaume 23, ELB, 1977 ( dispo dans notre bibliothèque ).
I. L’Eternel est mon berger
« L’Eternel est mon berger »… Même sans avoir particulièrement fait de recherches dans le domaine, je ne crois pas me tromper beaucoup en disant qu’il n’y a pas beaucoup de religions dans ce monde dans lesquelles les fidèles peuvent se permettre de parler de leur(s) divinité(s) comme d’un/de berger(s) ! Nous n’en avons peut-être pas conscience, mais nous avons là ce que je pense pouvoir appeler une véritable particularité de la foi (judéo-)chrétienne, une particularité bienfaisante et rassurante : un Dieu qui est présenté ( et se présente ) comme un berger…
Quelles sont les images, impressions, pensées, etc. qui vous viennent à l’esprit quand vous pensez au terme « berger » ( sans forcément pour le moment penser à Dieu ) ?
à troupeau, direction, soin, nature, pâturage, sécurité ( et c’est pour cela que les bergers aujourd’hui ne sont pas trop les copains de Nelly Olin ! ), etc.
C’est un fait que d’autres noms de Dieu, tels que « Seigneur », « roi », « créateur », etc., peuvent davantage inspirer une sorte de crainte… Le mot de « berger », lui, par contre, il suffit de l’entendre pour éprouver confiance, consolation, sécurité.
Cela dit, ce sentiment de confiance, sécurité, ne dépend pas du seul fait qu’on sait qu’on a un berger… Parce que des bergers, il y en a des bons… Et des moins bons ! Et même, des franchement mauvais !
David, dans le Ps 23, ne dit pas seulement qu’il est content d’avoir un berger, mais qu’il se réjouit de ce que l’Eternel, hw"hy> [ Jahvé / Adonaï ], soit son berger. D’où l’importance de savoir qui est cet Eternel…
Il est d’abord, pour le juif, le Créateur, créateur de l’univers et de tout ce qui existe. Les textes du début du livre de la Genèse accordent un soin tout particulier à montrer combien Dieu a eu plaisir à façonner cette création, à y créer la vie. Ils parlent de la souveraineté de Dieu, de sa puissance pour mettre de l’ordre là où il n’y en avait pas. Ph. Keller fait le commentaire suivant :
(…) je sors souvent la nuit pour une promenade sous les étoiles, et je me souviens de sa majesté et de sa force. (…). Je me redis que notre planète, la terre, ma demeure temporaire pour quelques courtes années, constitue un point si petit dans l'espace que, s'il était possible de transporter notre télescope sur l'étoile la plus proche de nous, Alpha du Centaure, et la regarder de là, elle ne pourrait être aperçue malgré la puissance de cet instrument.
(…)
Si maintenant je me baisse et ramasse un peu de terre au creux de ma main ; si je la place sous l'objectif d'un microscope électronique, je suis stupéfait de la voir fourmiller de milliards de milliards de micro-organismes. Beaucoup d'entre eux sont si complexes dans leur structure cellulaire particulière que même une fraction de leurs fonctions dans la terre n'est pas encore exactement connue.
(…)
Tout cela est un peu humiliant. Cela vide un homme de son « moi » et ramène toutes choses à leurs justes proportions. Cela me fait me voir moi-même comme une infime quantité de matière dans un immense univers. Et cependant, un fait extraordinaire demeure : Christ, le Créateur de cet univers aux dimensions écrasantes, daigne S'appeler Lui-même mon Berger et m'invite à me considérer comme sa brebis, l'objet de son affection et de son attention. Qui mieux que Lui pourrait prendre soin de moi ? [1]
Oui, qui d’autre pourrait être un meilleur berger que le Dieu créateur ? Lui qui est souverain, qui maintient toutes choses sous son contrôle, qui accomplit ses plans même si les êtres humains que nous sommes l’obligent parfois à cause de leurs résistances à faire des détours, etc. Qui mieux que lui peut prendre soin de nous ? Qui mieux que lui peut nous donner la sécurité dont nous avons besoin dans ce monde parfois tellement insécurisant ? L’Eternel, le Dieu créateur et tout-puissant, est / veut être mon berger, ton berger !
Il est difficile ici de ne pas penser à l’image de Jésus, le bon berger. Cela nous donne un peu plus de détails sur ce que fait notre berger, comment il prend soin de nous… Je lis quelques passages de l’Evangile de Jn :
& Jn 10.2-4,11,27-28
Il vaudrait la peine de méditer sur chacun de ces textes ! Je relève juste quelques aspects de la personnalité de Jésus le berger que nous révèle cette image :
- il appelle les brebis ( v. 3 ) ;
- il marche devant elles ( v. 4 ) ;
- il protège ses brebis, au point de donner sa vie pour elles ( 10.11 ) ; etc.
Sur le fait de donner sa vie pour ses brebis, le berger Ph. Keller donne le témoignage suivant :
(…) lorsque j'achetai ce premier petit troupeau, je l'avais littéralement acquis au prix de mon propre corps.
De ce fait, je ressentais de façon très spéciale que ces brebis étaient véritablement une partie de moi-même et moi une partie d'elles. Il s'était créé une identité intime, qui, bien que non apparente de l'extérieur pour un observateur étranger, me rendait ces trente brebis infiniment précieuses.
Mais le jour où je les achetai, je compris aussi que cette acquisition n'était que la première étape d'un long effort par lequel, à partir de ce moment, j'aurais, en tant que leur propriétaire, à donner continuellement ma vie pour elles si je voulais les voir se développer et prospérer. Les brebis ne peuvent prendre soin d'elles-mêmes comme certains pourraient le supposer. Elles demandent, plus que tout autre type de bétail, une attention sans fin et des soins méticuleux. [2]
Nous avons là je crois un beau témoignage de ce que ça veut dire, pour un berger, de donner sa vie pour son troupeau. Jésus, et lui seul, est le bon berger. Il n’y en a pas d’autre que lui. Cette présence est une assurance pour le troupeau, une sécurité. Nous ne sommes donc pas un troupeau livré à lui-même ou livré à la main des hommes. En nous achetant, le berger s’est aussi en quelque sorte lié à nous… Le créateur des cieux et de la terre a lié sa vie à la nôtre !
Mesurons-nous seulement cet immense privilège que nous avons ?
II. Je ne manquerai de rien
« L’Eternel est mon berger », dit David, et cela a des conséquences concrètes pour lui : « je ne manquerai de rien »…
La phrase fait rêver. Ne manquer de rien, n’avoir aucun besoin ! Est-ce vraiment réaliste ? Notre psalmiste n’est-il pas, dans son enthousiasme, en train de se laisser emporter vers une certaine exagération ?! Toute la question, je dirais, est de bien s’entendre sur ce qui ne nous manquera jamais, si Dieu est notre berger…
Et la 1ère chose qu’il faut dire, c’est qu’il n’est pas question ici de prospérité matérielle ou physique. Même si certains courants théologiques penchent dans ce sens ( par ex. la théologie de la prospérité ), il est important de rappeler que le Seigneur n’a jamais promis que le chrétien sera forcément toujours riche, prospère et en bonne santé… Sans doute serions-nous plus nombreux, si tel était le cas ! Beaucoup d’hommes et de femmes de Dieu, dans la Bible et dans l’histoire du peuple de Dieu, ont fait l’expérience de la pauvreté matérielle, ont connu des privations physiques, la maladie, etc. Cela ne veut pas dire qu’il faille accepter ces choses comme une fatalité quand elles arrivent et ne pas essayer de s’en sortir, bien sûr ; il s’agit plutôt de ne pas attendre comme quelque chose d’obligatoire ce que Dieu n’a jamais promis.
Mais alors, qu’est-ce que ça veut dire, « je ne manquerai de rien » ? C’est davantage, je pense, la présence du berger qui est visée… Cette présence constante, ce sentiment d’être quoi qu’il arrive sous la protection du berger, ou encore que les épreuves de la vie et même la mort ne pourront jamais nous séparer de son amour ( cf. Paul, en Rm 8.37-39 ).
Cette phrase, « je ne manquerai de rien », nous interpelle aussi quant à ce que nous attendons de la vie pour en être satisfaits… Ph. Keller écrit la chose suivante :
La satisfaction devrait être la marque de tout homme ou de toute femme qui a remis ses affaires entre les mains de Dieu. Et ceci s'applique spécialement à notre époque d'opulence. Mais n'est-il pas paradoxal qu'une intense fièvre de mécontentement se manifeste chez des gens qui parlent sans cesse de sécurité ?
En dépit d'une prospérité matérielle sans précédent, nous sommes dans un état d'insécurité permanente, peu sûrs de nous-mêmes et presqu'en faillite quant aux valeurs spirituelles.
Les hommes recherchent perpétuellement des garanties de sécurité. Ils sont sans repos, mal affermis, cupides, avides de posséder toujours plus, désirant ceci et cela, et cependant l'esprit jamais entièrement satisfait. [3]
Son commentaire ne me dérangerait pas trop si je pouvais me dire qu’il ne concerne que des non-chrétiens… Mais est-ce le cas ? Ne courons-nous pas, nous aussi, chrétiens, le risque d’entrer dans cette logique : désirant ceci et cela, voulant posséder toujours plus, jamais entièrement satisfaits de ce que nous avons ( ce qui, soit dit en passant, peut aussi toucher au domaine spirituel ! ) ?
Pouvons-nous dire, comme David, « L’Eternel est mon berger, je ne manquerai de rien » ? – Càd :
- en toi, Seigneur, je suis comblé ;
- je suis reconnaissant pour ce que tu m’as donné, pour mes biens, et je ne deviens pas malade d’angoisse à la pensée de devoir peut-être un jour m’en séparer…
Veillons, frères et sœurs, à ne pas oublier d’où nous vient la vraie sécurité, à ne pas oublier non plus qui est le seul à pouvoir nous combler parfaitement, à savoir notre bon berger – tout en nous rappelant aussi qu’il travaille dans des perspectives et avec des objectifs qui dépassent de loin ceux que nous offre notre société de consommation !
III. La marque du berger
« L’Eternel est mon berger : je ne manquerai de rien »… J’en arrive à un dernier point qui me semble important par rapport à cette déclaration du psalmiste.
Nous la lisons en effet souvent comme une phrase pour nous rassurer, nous réconforter. Mais n’est-elle pas aussi, et peut-être même d’abord, une confession de foi ? – Une confession de foi qui nous engage ?
Parce que le berger, ce n’est pas seulement celui qui soigne, console, réconforte : c’est aussi celui qui conduit le troupeau. Le troupeau, les brebis du troupeau, sont appelées à suivre le berger… Dire que l’Eternel est mon berger, c’est dire aussi que j’accepte son autorité sur ma vie : une autorité bienveillante et aimante, certes, mais une autorité quand même !
Ph. Keller raconte encore une expérience intéressante :
Le jour où j'amenai mes trente premières brebis, mon voisin et moi-même, assis sur la barrière poussiéreuse entourant la prairie, admirions ces animaux choisis, robustes et solides qui étaient devenus miens. Alors mon voisin me tendit un grand couteau bien aiguisé et me dit: « Eh bien, Philippe, elles sont à vous ; il faut maintenant que vous les marquiez ».
Je savais exactement ce que cela signifiait. Chaque propriétaire de troupeau a sa propre marque qu'il grave dans l'une ou l'autre oreille de l'animal. De cette façon, même à distance, il est facile de savoir à qui appartient la brebis.
Ce n'était pas une opération des plus agréables que d'attraper chaque brebis à tour de rôle, de placer une de ses oreilles sur un billot et de la lui marquer profondément à l'aide de la lame aiguisée. C'était une souffrance pour la brebis et pour moi-même. Mais cette souffrance mutuelle avait pour résultat une marque de propriété indélébile que rien ne pourrait jamais effacer. A partir de ce moment, chaque brebis entrant en ma possession porterait ma marque.
L'Ancien Testament nous offre à ce sujet un parallèle intéressant. Lorsqu'un esclave choisissait de son plein gré d'appartenir à une famille hébraïque pour la vie, il était soumis à un certain rite. Son maître et propriétaire l'amenait à la porte, lui plaçait le lobe de l'oreille contre l'un des montants et le perçait à l'aide d'un poinçon. A partir de ce moment, il appartenait à cette famille pour la vie.
Pour chaque homme ou femme reconnaissant les droits de Christ sur sa vie et désirant Lui en confier la propriété absolue, se pose la question de sa marque. [4]
Alors, je ne suis pas en train de dire que nous devrions tous être marqués dans notre chair comme des animaux ! Mais la question se pose quand même de notre appartenance au bon berger… Si nous avons décidé de lui appartenir, nous avons aussi accepté de ne plus nous appartenir à nous-mêmes… Alors, qu’en est-il de son autorité sur nos vies ? Sommes-nous des brebis dociles, qui suivent leur divin berger, ou des brebis indociles, qui n’en font qu’à leur tête ?
Qu’est-ce que ça veut dire, concrètement, pour moi, dans ma vie, en termes de soumission et d’obéissance, que « l’Eternel est mon berger » ? C’est là je crois aussi une question que nous pose ce Ps 23…
Conclusion
C’est mon souhait et ma prière pour chacun, ici :
Ø Que nous puissions en relisant ce Ps nous rappeler avec joie et reconnaissance le privilège extraordinaire que nous avons d’avoir comme berger le Dieu créateur des cieux et de la terre, le berger qui donne sa vie pour ses brebis de telle sorte qu’elles ne manquent de rien !
Ø Mais aussi, que nous puissions nous rappeler que ce berger nous appelle à le suivre, à marcher dans ses voies, sur le chemin que lui nous trace, même si cela peut parfois nous amener à faire des choses qui nous coûtent, des choix douloureux et difficiles…
S’il en est ainsi, si nous acceptons cela, alors nous pourrons nous écrier fièrement, avec reconnaissance et joie, comme David : « L’Eternel est mon berger ! », dans l’assurance que nous ne manquerons de rien.
Amen.
Denis Kennel