L’Eternel est mon berger (5)
Ps 23.5-6
Série de messages, d’après le livre de Philippe Keller, Un berger médite le Psaume 23
Introduction & Lecture biblique
J’aimerais ce matin finir la méditation du Ps qui nous a accompagnés tout au long de ces dernières semaines, le Ps 23. Un Ps que je vous invite à relire ( une dernière fois ! ) :
Ps 23.1-6
Insistance plus particulière sur les v. 5-6… Avec des images bien plaisantes :
- une table dressée pour nous devant nos ennemis ;
- le bonheur et la grâce qui nous accompagneront tous les jours, dans la maison de l’Eternel.
Que des choses agréables en perspective !
I. Tu dresses devant moi une table
* La table du festin *
En fait, on a avec ce v. 5 une certaine transition : l’image du berger qui conduit ses brebis se transforme en une autre, à savoir celle d’un hôte bienveillant qui accueille le pèlerin ( càd le psalmiste ) à sa table, à son festin.
Après tout le cheminement derrière l’Eternel-berger, parfois au travers de la vallée de l’ombre de la mort, c’est comme si on arrivait au but, à l’aboutissement. Preuve que la marche dans la vallée de l’ombre de la mort était bien seulement une marche, et non pas une « station terminus » dans laquelle il aurait fallu se résigner à demeurer jusqu’à la fin de nos jours.
Nous sommes invités à nous mettre à table ! Etre invité à un repas… Quoi de plus agréable ? Occasion de se nourrir, bien sûr, mais aussi – quand on en prend le temps ! – occasion de partage, de bien-être, de communion, etc. Et dans le Ps, c’est l’Eternel qui invite : « Tu dresses devant moi une table… »
Preuve que le Seigneur veut nous conduire en des lieux où nous serons nourris, comblés, où nous serons bien avec lui, bien les uns avec les autres, dans la communion la plus parfaite qui soit. Cf. Es 25.6 :
« L’Eternel des armées fera
« Pour tous les peuples, sur cette montagne,
« Un festin de mets succulents,
« Un festin de vins vieux,
« De mets succulents, pleins de moelle,
« De vins vieux, clarifiés. »
Et le Seigneur nous invite avec les honneurs : « Tu oins d’huile ma tête… ». Aux temps bibliques, oindre d’huile la tête de quelqu’un était une pratique courante, spécialement lors de fêtes, lorsque l’on voulait, au cours d’une cérémonie, honorer quelqu’un, généralement un des invités. Le Seigneur donc ne nous invite pas comme des gens qu’il inviterait par convenance, parce qu’il le faut bien, tout en s’arrangeant pour les placer de telle façon à ce que pas trop de monde ne les voit… Non, il fait de nous des invités d’honneur, comme s’il était fier de nous recevoir à sa table. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi je trouve cela assez extraordinaire ! Le Seigneur est heureux d’accueillir ses brebis, qu’il a conduites tout au long de la route, sur des chemins parfois difficiles. Il est heureux de les accueillir à sa table !
Voilà ce que l’Eternel-berger a en réserve pour ceux qui le suivent, qui acceptent de placer leur confiance en lui… Garder les yeux fixés sur cet aboutissement ne peut je crois qu’aider à tenir le bon cap, même lorsque le chemin passe par la vallée de l’ombre de la mort !
* En face de mes adversaires *
Reste la mention que le Seigneur dresse pour nous cette table, « en face de nos adversaires [ou : ennemis] ». Je me suis souvent demandé ce qu’ils venaient faire là, mes adversaires… A part me couper l’appétit, je ne vois pas trop quel rôle ils peuvent jouer dans l’histoire ! J’ai trouvé 2 interprétations de la chose, une « classique » et une plus « osée », mais qui ne s’excluent pas pour autant il me semble.
(1) L’interprétation classique voit dans la table dressée en face des adversaires la reconnaissance par Dieu de la justice de la brebis devant les adversaires. Ceux qui ont menacé la vie du psalmiste sont maintenant confondus par le Seigneur qui leur donne tort, tout en donnant raison à celui qui est resté fidèle et qui a éventuellement subi les outrages et sarcasmes de ses ennemis. Ce n’est pas tant dans le sens d’un orgueil que pourrait tirer le fidèle du fait d’être invité à la table du Seigneur alors que ses adversaires ne le sont pas, mais simplement la juste reconnaissance de la fidélité du juste face à ceux qui lui ont fait du mal. Ils assistent en quelque sorte au triomphe de celui à qui ils ont fait du mal… Voilà pour l’interprétation classique.
(2) Si l’on intègre maintenant les perspectives que nous ouvre le Nouveau Testament et, plus particulièrement dans ce NT, l’enseignement de Jésus concernant le rapport aux ennemis, on peut je crois voir une autre interprétation, plus osée… Et aussi, sans aucun doute, plus exigeante. Voir dans la table dressée en face des adversaires une occasion d’inviter l’ennemi…
-> Une occasion d’inviter celui qui nous a fait du mal, pour qu’il puisse lui aussi entrer dans la joie du festin avec le Seigneur, et avec nous-mêmes. Une démarche donc qui s’appuie sur le pardon que l’on offre et le désir de pouvoir entrer dans un processus qui aboutira peut-être à une réconciliation. Jésus, en effet, ne nous a pas invités à autre chose, quand il a parlé de ( Mt 5.44-47, extraits ) :
« Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous
« haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent. »
« Alors vous serez fils de votre Père qui est dans les cieux, (…) »
« Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les péagers « aussi n’en font-ils pas autant ? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous « d’extraordinaire ? Les païens aussi, eux-mêmes, n’en font-ils pas autant ? »
« Que faites-vous d’extraordinaire ? »… Elle est profonde, cette question ! Il y a des domaines où les enfants de Dieu que nous sommes sont appelés à l’extraordinaire, càd à avoir des attitudes et comportements qui dépassent les seules exigences du « politiquement ou socialement correct ».
Le Seigneur dresse devant nous une table, et il nous invite. On peut penser au repas du Seigneur, entre autres. Le Seigneur nous invite, et nous y allons avec plaisir, je pense. Mais avons-nous déjà pensé que cette table pourrait aussi devenir un lieu d’accueil, pas seulement pour nos amis, mais encore pour nos « ennemis », comprendre ceux qui éventuellement nous ont blessés ou fait du mal ? Le but, bien sûr, n’étant pas de nous couper l’appétit, mais de donner davantage de chances pour que se concrétisent entre nous, – autant dans l’Eglise qu’au dehors –, ces dimensions si importantes du pardon et de la réconciliation… « Alors vous serez fils de votre Père qui est dans les cieux », dit Jésus, càd : « Alors, vous vivrez davantage en conformité par rapport à ce que vous êtes appelés à être, en tant qu’enfants de Dieu… ».
Et ainsi, oui, le bonheur et la grâce vous accompagneront… Tous les jours. Telle est la promesse du Seigneur.
II. Le bonheur et la grâce
* Le bonheur et la grâce, pour moi *
La promesse est formidable : le bonheur et la grâce, tous les jours de notre vie. Vient cependant tout de suite la question : Est-ce réaliste ? Quand tout va bien, pas de problème. Mais, comme le dit Ph. Keller ,
- (…) qu'en sera-t-il si je perds ma santé ? Que dirai-je si je suis réduit à l'impuissance comme je l'ai été devant la compagne de ma vie se consumant lentement dans d'affreuses souffrances ? Quelle sera ma réaction si je perds ma situation, si l'argent ne peut suffire au règlement des factures ? Qu'arrivera-t-il si mes enfants ne réussissent pas leurs examens ou s'ils fréquentent de mauvais compagnons ? Que dirai-je si, soudain, sans raison apparente, mes amis me font défaut et se détournent de moi ?
Oui, qu’en sera-t-il dans de telles circonstances ? Pourrons-nous encore croire, alors, en ce bonheur et cette grâce sensés nous accompagner tous les jours de nos vies ? Je n’ai pas d’autre réponse à donner que celle que donne lui-même le berger Keller , lui qui a eu l’expérience d’être à la fois berger de ses brebis et brebis du Bon Berger :
- Quand je regarde ma vie passée à la lumière de mon amour et de mes soins pour mon troupeau, je puis voir, dans la manière dont mon Maître a dirigé toutes mes activités, une compassion et un intérêt pour moi semblables à ceux que j'ai toujours montrés à mes brebis. Certains événements me paraissaient être de vraies calamités, certains sentiers qu'il me faisait suivre me semblaient bien sombres, et certains jours aussi obscurs que des nuits. Mais tout, finalement, aboutissait à mon profit et à mon bien-être.
(…)
- Quand je me rappelle tout cela, je comprends que pour celui qui vit réellement sous la garde de Christ, nulle difficulté, nul problème ne peuvent surgir, nul désastre s'abattre sur sa vie, sans que, finalement, il ne sorte du chaos. Ceci me permet de discerner le bonheur et la grâce apportés par mon Maître dans ma vie et d'y trouver le solide fondement de ma foi et de ma confiance en Lui.
« Le bonheur et la grâce m’accompagneront tous les jours de ma vie »… Ce n’est pas la promesse d’une vie facile et sans difficultés, mais d’une vie avec la présence du Seigneur à nos côtés, y compris dans toutes les difficultés que nous pourrons être amenés à rencontrer. Ce Dieu qui, comme nous l’avons vu la dernière fois, se tient, par rapport à la souffrance et à l’épreuve, de notre côté. Il est, dans l’épreuve, avec nous, du même côté que nous. Pour nous en libérer, nous en faire sortir... Jusqu’à ce que nous vivions un jour dans la plénitude de vie qu’il est venu nous offrir, en sa présence.
Cela dit, nous n’avons jusqu’ici parlé que du bonheur et de la grâce que nous pouvons, nous, expérimenter… Il y a aussi une autre perspective, je crois…
* Le bonheur et la grâce, que je laisse derrière moi *
Savez-vous comment, dans la littérature ancienne, étaient appelés les moutons ? Des animaux aux « sabots d’or »… Pourquoi ? A cause de leurs bons effets sur les terres…
Il paraît que le fumier de mouton est le plus équilibré qui soit, il serait d’un très grand profit pour les sols. Ensuite, il semblerait qu’aucun autre animal ne consomme une aussi grande variété d’herbages : le mouton dévore des quantités de mauvaises herbes et de plantes nuisibles qui auraient sinon tôt fait d’envahir un champ… Et c’est ainsi qu’un troupeau peut en quelques années nettoyer et enrichir une terre même pauvre. C’est le constat fait par Ph. Keller :
Mon expérience de propriétaire m'a permis de constater que des terres négligées ont été ramenées, en quelques années, à un haut degré de productivité. Bien plus, ce qui offrait auparavant un spectacle déprimant, ressemblait maintenant à un parc magnifique d'une grande valeur. Là où il n'y avait que pauvreté et abandon, s'étendaient maintenant des terres florissantes, une riche abondance.
En d'autres termes, « bonheur et grâce » avaient suivi mes troupeaux. Ils avaient laissé derrière eux une grande valeur productive, utile pour eux-mêmes, pour les autres et pour moi. Là où ils avaient séjourné, restaient beauté et abondance.
Et les questions qu’il nous pose sont les suivantes :
« Ceci est-il vrai dans ma vie ? Est-ce que je laisse la bénédiction après moi ? »
(…)
II est peut-être bon de nous poser quelques questions au sujet de ce que nous laissons après nous :
« paix – ou tourment ? »
« pardon – ou amertume ? »
« satisfaction – ou conflit ? »
« fleurs de joie – ou frustration? »
« amour – ou rancœur? »
Certains laissent après eux un tel gâchis qu'ils préfèrent effacer leurs traces.
Pour l'enfant de Dieu, brebis du Bon Berger, il ne devrait jamais y avoir de honte ou de crainte à revenir là où il a vécu ou séjourné auparavant. Pourquoi ? Parce qu'il y a laissé encouragement et exemple pour les autres.
Il me semble que nous avons là matière à réflexion… Sommes-nous, nous aussi, si nous expérimentons le bonheur et la grâce que donne le Seigneur, aussi des vecteurs, des canaux, au travers desquels les autres, – ceux qui nous entourent, dans notre famille, nos amis, notre cercle professionnel, etc. –, peuvent recevoir quelque chose de la grâce et du bonheur qui nous habitent ?
Il faut, pour cela, avoir le désir de revenir toujours dans la maison du Seigneur, d’habiter toujours en sa présence ( v. 6b ). Ce n’est pas je crois quelque chose que l’on peut acquérir une fois pour toutes, mais une décision qui doit être renouvelée, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, année après année. Parce qu’on a compris que là était la vraie vie… Pour nous autant que pour ceux que le Seigneur peut placer à nos côtés.
Conclusion
Nous arrivons à la fin du Ps… Au festin, au bonheur, à la grâce ! Mais il serait dangereux, je crois, de se croire arrivés définitivement ! Et d’ailleurs, cela ne correspondrait pas vraiment à notre expérience de la vie chrétienne. C’est bien connu, lorsqu’on vit un temps fort avec le Seigneur ou avec des frères et sœurs, on retombe assez vite dans la dure réalité des difficultés de la vie…
C’est pourquoi j’ai envie de dire que ce Ps doit être lu « en boucle ». Quand on arrive à la fin, il faut revenir au début…
=> Reprendre conscience que l’Eternel nous propose d’être notre berger, et c’est un fait : il veut l’être…
=> Reprendre conscience aussi que c’est à nous de décider si nous voulons le suivre, marcher dans ses voies, sur le chemin que lui nous trace, même si cela peut parfois nous amener à faire des choses qui nous coûtent, des choix douloureux et difficiles…
=> Mais nous pouvons aussi nous rappeler cette promesse qu’il sera là, avec nous, à nos côtés, pour nous conduire vers ce(s) lieu(x) où il nous invite à demeurer, avec lui et les uns avec les autres, autour de sa table. Pour que nous soyons bénis, et en bénédiction les uns pour les autres.
C’est mon souhait et ma prière, à la fin de cette série de méditations, que nous puissions les uns et les autres goûter et goûter toujours un peu plus de cette expérience, jusqu’à ce que nous la vivions en plénitude, au retour du Seigneur, notre Eternel-berger.
Amen !
Denis Kennel